Addiction par D. Clerc (un de mes "maîtres à penser"). Vous pouvez lire le texte intégral ici
La crise est un extraordinaire révélateur. [...]je veux parler des analyses et des jugements de ceux qui n'ont rien vu venir ou ont laissé faire. Il me semble que l'on peut, en utilisant des mots savants, les classer en deux grandes catégories: les psittacistes et les amnésiques.
Les premiers souffrent d'une étrange maladie: comme les perroquets (psittaci en latin), ils répètent en boucle les mêmes phrases, les mêmes expressions ou les mêmes formules. Mais, à la différence des volatiles, ils expriment une conviction: la crise, comme tout ce qui perturbe la délicate machinerie économique, c'est la faute à l'Etat. [...]
Pour Gary Becker, aucun doute, la Réserve fédérale américaine, la Fed, a fourni la dynamite "en maintenant des taux d'intérêt trop bas dans les années 2002-2004", tandis que Richard Posner estime que "les financiers portent une responsabilité initiale dans la dépression, mais on ne peut pas plus les en blâmer qu'on ne blâmerait un lion d'avoir mangé un zèbre. Le capitalisme est darwinien". Les 700 000 zèbres - les chômeurs, si vous préférez - supplémentaires prévus par l'Insee en 2009 ont intérêt à courir très vite s'ils ne veulent pas être à l'origine d'une multiplication des lions.
Mais la palme, comme d'habitude, revient à Pascal Salin: "La gravité de la situation actuelle en France, c'est que nous sommes dans un système très pervers où des millions de réglementations existent. Si on pouvait les mettre bout à bout, on s'apercevrait que nous vivons dans un monde presque totalitaire." Ah, si la France avait été un paradis fiscal au lieu d'être un enfer étatique, il n'y aurait jamais eu de crise.[...]
Les amnésiques, c'est autre chose. A peine ont-ils entrevu une petite lumière qu'ils croient être au bout du tunnel et, nouveaux Bossuet, les voilà qui proclament: "La crise se meurt, la crise est morte." Un temps inquiets, ils peuvent alors revenir à leurs dadas favoris et faire comme si tout cela n'avait jamais existé. [...]
[...] Les banquiers américains remboursent l'Etat pour pouvoir fixer librement leurs rémunérations à des niveaux "convenables"; France Inter recommence à diffuser les pubs pour des produits de placement à rendements mirobolants (merci Cerise), le Premier ministre envisage de reculer l'âge de la retraite comme si nous manquions de main-d'oeuvre, les journalistes sportifs célèbrent à l'envi la victoire de Peugeot aux 24 heures du Mans, comme si l'effet de serre n'était qu'un mauvais souvenir... Bientôt, on va sortir de la crise et tout va redevenir comme avant. On s'est fait peur, mais c'est fini.
Amnésie? En réalité, je m'interroge: quand on s'empresse de retourner à ses comportements antérieurs, alors même qu'ils sont générateurs de catastrophes, ne serait-il pas plus judicieux de parler d'addiction?